CHANGEMENT PERSONNEL :
Aspirations du salarié :
désirs, espoirs, espérance
trois notions successives ?
Cet article décrit trois notions caractérisant les aspirations des salariés dans le processus de changement organisationnel, ceux de désir, d’espoir et d’espérance(1)Le lecteur peut lire le résumé du Café Philo des Phares, paru le 21 février 2010.. Il cherche, aussi, à déterminer si ces trois notions sont ou non successives pour une meilleure conduite du changement. Pour y parvenir, l’auteur s’appuie sur le bilan d’une mission réalisée auprès d’une association loi 1901, en 2006 (cette mission a fait l’objet de 197 pages de compte-rendu et de 149 pages d’entretiens et de réunions). |
1) Les désirs : une raison du bien-être
Pour P.H. Chombart de Lauwe (notre photo), « des objets […] peuvent prendre une importance telle que leur absence déclenche des gestes de désespoir ou fasse naître une attitude de désespérance. »(2)Chombart de Lauwe, Paul-Henri, Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971, p.36. Pour vérifier les propos de P-H Chombart de Lauwe, voici l’exemple significatif d’une association loi 1901 de 273 membres dont l’objet général est « les NTIC » (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) permettant un accès ou un perfectionnement à l’informatique.
Cette association est composée de plusieurs « branches » ayant chacune des spécificités en fonction du public visé ou de l’action envisagée : pour les jeunes, pour écrire un livre, pour les personnes en disponibilité, pour apprendre, pour les Seniors, pour réparer le matériel, etc.
Chaque membres peut créer une « branche » et en devenir le pilote dès lors qu’il le désirait. La « branche CAO » (Conception Assistée par Ordinateur) a été créée par un couple. Entendu lors d’entretiens individuels, ce couple souhaitait à l’origine(3)au moment des entretiens, la branche CAO était en sommeil faute de participants. Nous cherchions à savoir pourquoi les membres ne rejoignaient pas cette branche, entre autres missions au sein de l’association) partager leur passion personnelle de l’informatique. Ils voulaient, entre autres, « faire des cartes de visite ». En réalité, le couple avait le désir de partager une passion MAIS l’espoir que d’autres la partageraient.
A la création, tous les espoirs étaient permis ; rapidement une équipe de cinq membres s’était constituée. La création du logo de la branche devait être « le point de départ » afin « d’exister physiquement ». Chacun était « motivé et plein d’idées »(4)Les phrases en italiques rapportent les propos des pilotes lors des entretiens.. Mais, « très vite on s’est retrouvé à trois puis, peu de temps après, à deux. », c’est-à-dire, le couple-Pilote.
Par la suite, piloter cette branche est devenue pour eux une obligation engendrant une « lassitude ». L’enchaînement des faits dans le temps ont abouti à l’expression de regrets, remords et reproches caractérisant leur déception de n’avoir pas pu échanger, communiquer avec les autres membres qui manifestement avaient d’autres désirs.
En clair, pour le couple-Pilote de cette « branche », le désir de réaliser des cartes de visites était exercé en fonction d’une représentation globale axée sur l’utilisation du monde informatique (image avant-gardiste, de prestige). Mais à cela s’impose des motivations plus profondes ; celles liées à un désir plus lointain de rencontrer d’autres adhérents et d’échanger avec eux sur leur passion personnelle.
Il est aisé de constater que les propos sur leurs aspirations révèlent des besoins de communication, de reconnaissance, d’appartenance. Si nous prenons en considération que les faits se sont déroulés sans qu’ils puissent satisfaire ces désirs nous pouvons supposer que cela a engendré le délitement de la branche.
Ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas eu de réponse au moins égale au niveau d’aspiration des membres. C’est-à-dire, au niveau d’accomplissement que l’adhérent attendait ; pour mieux l’exprimer, espérait atteindre.
Au fond, le couple-Pilote avait besoin d’attachement, d’affection, d’amitié pour s’affirmer alors que sa compétence et la fonction qu’il occupe, celle de pilote de branche, auraient dû le rendre indépendant de ces besoins.
En somme, le couple part de ses manques pour exprimer une faiblesse, une dépendance aux autres. Autrement dit, exprimer une rupture de solidarité humaine et de besoins sociaux, ici, de reconnaissance et d’appartenance.
Dès lors, cet enchaînement de faits rend possible l’interprétation suivante : le désir d’être reconnu et d’appartenir à un groupe peuvent être tels que leur insuffisance, voire leur carence, entraînent inévitablement des réactions d’angoisses et de désespoirs conduisant à des attitudes de lassitude, d’abandon.
Le regard de l’autre et son écho espéré positif est donc capital. Ainsi, le besoin ne crée pas toujours le désir, le sens du rapport peut être inversé, c’est-à-dire le désir crée le besoin « car le désir a sa source, non seulement dans les pulsions internes, mais dans les sollicitations des images, des représentations. »(5)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.65.
Donc, le désir, bien que partant d’images floues, est une mobilisation de l’individu pour obtenir quelque chose qu’il ne possède pas. Par extension de l’idée : le conserver et le développer s’il le possède déjà.
Mais, si cette première notion souligne, dans cette branche, des déceptions, c’est-à-dire des besoins inassouvis, des aspirations irréalisées engendrant un abandon, à l’inverse, la branche CEB(6)CEB de cette association : Comprendre l’Économie et la Bourse est une branche de cette association usant de progiciels boursiers. est un bel exemple à la fois de réalisation des aspirations et de cohésion.
2) Les espoirs : une bonne raison pour développer un projet
Succinctement, la branche CEB s’est développée à partir de plusieurs étapes successives.(7)« Parce-qu’avant de comprendre les mécanismes de la finance il faut du temps et acquérir une expérience. » en la matière. Cf. les entretiens avec quatre membres de cette branche. La première étape a consisté en l’étude du langage et l’appréhension des rouages de la Bourse. La deuxième, à constituer la mise en place d’un portefeuille fictif d’actions pour « se faire la main » en simulant des investissements. La troisième, de créer un véritable club d’investissement(8) Un club d’investissement est un groupe de personnes qui décident de mettre en commun une épargne mensuelle d’un montant peu élevé.
L’objectif principal de cette démarche est, à la fois, de permettre à ses membres d’apprendre et de comprendre les mécanismes économiques, financiers et boursiers afin de constituer un portefeuille fictif d’actions puis investir réellement en Bourse ; répartir les risques et obtenir une fiscalité avantageuse ; mettre en commun et échanger des « savoirs »..
Ces étapes successives nous font penser au principe d’émergence de Maslow : Si les besoins d’une étape sont satisfaits, il y a développement de l’étape suivante. Ce caractère donne une importance particulière à l’interprétation des rapports entre les membres de cette branche et le but à atteindre, créer un club d’investissement. C’est l’occasion d’exprimer les représentations, les images et les symboles sous l’angle des aspirations.
En clair, l’espoir serait une attente qui prendrait naissance dans un contexte social déterminé (par exemple, il faut gagner de l’argent, le contexte social l’oblige) par un système de valeurs propres (j’ai envie de gagner de l’argent).
Ainsi, pour chacun des membres interviewés et faisant partie de cette branche, nous retrouvons, derrière ces images, des modèles personnels circonscrits par une contingence et des valeurs auxquels ils attachent une grande importance.
Pour exemple, un modèle de la branche auquel se réfère un membre dans son comportement peut l’inciter à s’investir à partir d’intérêts différents de ceux de la réalisation du projet commun. C’est-à-dire, l’association est vue comme un lieu d’expérimentation pour gagner de l’argent(9)Comme l’a exprimé un membre en entretien.
Mais un autre membre, se réfère à un autre modèle et, sous son influence, accorde plus d’importance à des valeurs d’entraide, un certain type de relations sans toutefois abandonner l’idée de gagner de l’argent. Ici, nous supposons que les aspirations changent de niveau et de nature. Elles passent d’une préoccupation (la dimensions sociale) à un intérêt libre (créer le club d’investissement). Donc, dans une certaine mesure le système de valeurs de ce membre s’en trouve modifié bien que le contexte social impose de gagner de l’argent dans tous les cas.
Nous pouvons citer un autre exemple se rapportant non pas à des images mais à un modèle du rôle du pilote de la branche. Brièvement, le Pilote veut exercer un système de type démocratique(10)« Lorsque les aspirations des personnes et des groupes sont prises en considération dans la décision, le pouvoir est de type démocratique. » Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, op. cit., p.27. afin d’encourager les membres dans leurs comportements de prises d’autonomie et leurs donne aussi la possibilité de développer des sentiments de satisfaction. Cette approche de la conscientisation semble bénéfique à l’ensemble de la branche et encore plus pour ceux dont le niveau d’aspiration était le plus proche de leurs capacités à les réaliser.
En définitive, lorsque la première notion (le désir) est réalisée, c’est-à-dire lorsque la reconnaissance, la communication et les échanges sont présents, les besoins-aspirations tantôt dépendent d’un système de valeurs, tantôt tendent à le bouleverser au fur et à mesure des situations et des circonstances.
Pour le dire autrement, les espoirs sont d’abord pris entre une perception individuelle des modèles et l’individualité intime de chaque membre de cette branche de l’association. Ainsi, le membre se réfère plus ou moins consciemment à un processus d’élaboration de ses représentations de la branche et des différentes fonctions exercées, différents rôles joués.
Ensuite, les rencontres entre les différents modèles, loin d’aboutir à des oppositions, autorisent un développement. A moins que ce ne soit justement les discordances et les contraintes qui rendent possibles l’assemblage de modèles nouveaux, d’un nouveau système de valeur garantissant le succès : « lorsque le désir, tourné vers un objet, devient aspiration, cet objet est valorisé en fonction d’un système de valeurs propre à une société, à un milieu, à un groupe. »(11)Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, ib., p.28.
En d’autres termes, le désir devient espoir lorsqu’un changement attendu plus important peut être réalisé (satisfait). L’espoir est donc lié à la préoccupation de sortir d’un état vers un nouvel état. Nous trouvons là une boucle : au fur et à mesure que le membre de la branche acquiert un sentiment de pouvoir dans ses échanges, la part de l’espoir prend une place de plus en plus grande dans les communications et les échanges ; il acquiert une certaine liberté.
Mais au-delà des désillusions (le désir) et des espoirs perdus, l’espérance (troisième notion) correspond à une posture globale de l’adhérent. En fait, l’espérance permet de garder une raison de vivre dans toutes les circonstances. C’est elle qui motive, qui engage. En ce sens, la branche Littérature (le projet Echap) est un exemple d’espérance.
3) L’espérance : une raison de vivre
Tous les membres composant cette branche Littérature sont en recherche d’emploi, l’âge moyen est de 46 ans. Les membres aspiraient à s’extraire d’une première difficulté : le piège de l’isolement, de la solitude, ennemies perfides du chômeur.
Confirmé par cette personne lasse de son engagement dans le monde associatif : « Échap, parce-qu’on veut s’échapper de ce carcan du chômage.»
Egalement confirmé par le Pilote, journaliste de métier : « la seule issue de secours consiste à rester en contact, en réseau, de manière à demeurer dans la course ». Convaincu du bien-fondé de cette théorie du groupe et de la force libératrice de l’écriture de leur expérience, le pilote a échafaudé un projet de livre écrit à plusieurs mains.
Une expiation, en somme, comme les membres de cette branche se plaisent à répéter, et le choix même du terme « échap« (12)Le nom « Echap » est venu à partir de la touche du clavier informatique « échap » (ou « esc », abréviation de escape en anglais). Sur un ordinateur, cette touche permet, en outre, de fermer des fenêtres, sortir d’une situation. exprime l’envie d’un autre état de celui de chômeur trop âgé.
Pour le Pilote, « prendre le stylo c’est reprendre une parole arbitrairement ôtée par la perte d’emploi. » Le symbole est très fort. Fort comme leur cohésion et leur entraide mutuelle malgré la fraîcheur de leurs relations au début. Ils ne se connaissaient pas. Mais fort comme la constance et l’envie d’aller jusqu’au bout. Chose qu’ils se sont promise et qu’ils ont finalement réalisée fin 2001(13)Les fous du Kiosque Peynet, La Mirandole, 2001. Parce-que, pour eux, « publier un livre c’est interpeller l’Autre sur sa propre conscience d’être, facilitant ainsi de manière indirecte, la réinsertion sociale par l’approche de l’échange et du travail de groupe et de recherche. Comme quelque chose de nouveau, pas vraiment encore défini, qu’il faudrait apprendre. »
En somme, des histoires d’êtres pour une histoire d’être par l’écriture d’une expérience. Une expérience au singulier puisque chacun a pris un rôle dans le livre pour s’exprimer. L’intrigue faisant arbitrage entre les accidents individuels (le chômage, les problèmes familiaux) et leur histoire commune prise comme un tout (la difficulté d’une réinsertion socioprofessionnelle, d’une intégration sociale par un emploi).
A cet égard, on peut dire que cette écriture offre une histoire chargée de sens composée d’événements ou d’incidents. De même, elle transforme les accidents individuels (événements ou incidents) en une histoire commune organisée dans une totalité intelligible. Bref, « la mise en intrigue est l’opération qui tire d’une simple succession singulière une configuration. »(14)Son intrigue fait « médiation entre des événements ou des incidents individuels, et une histoire prise comme un tout. A cet égard, on peut dire équivalemment qu’elle tire une histoire sensée de- un divers d’événements ou d’incidents (les pragmata d’Aristote) ; ou qu’elle transforme les événements ou incidents en- une histoire. » Ricœur, Paul, Temps et récit. L’intrigue et le récit historique, t.1, Point, 1991, p.127.
En clair, le je du texte vient en écho au je singulier. Cette écriture de l’expérience vécue nous a particulièrement touché parce-qu’elle implique l’adhérent dans l’espérance.
De même, elle accepte d’exposer cette commune singularité en construisant, en leur nom propre, l’expérience de chaque membre, une partie de leur histoire.
Dès le départ il n’y a pas eu d’écriture distancée. En fait, c’est le contraire que nous avons perçu : une appropriation. C’est ce qui a été relevé dans le lapsus révélateur du second interlocuteur : « c’est un terme que j’ai employé dans mon li… dans notre livre. »
De plus, cette pratique de l’écriture a la particularité de rencontrer un autre dans la même situation.
Par la réalisation de cette aspiration à témoigner et à expier, l’adhérent est devenu dynamique, a trouvé du courage, décidé de réagir se donnant d’autant plus de chances de réussir son insertion socioprofessionnelle(15)Certains membres de cette branche Littérature ont retrouvé un emploi avant d’achever le livre.. Bref, cette écriture de l’expérience vécue évolue au fil du temps et nous informe d’une éthique en action puisqu’elle assemble les singularités. Donc, elle est à la fois de l’agir individuel et de l’éprouvé commun.
Nous interprétons cette pratique de l’écriture en tant qu’elle facilite le transfert et l’innovation : elle autorise la transformation, le changement. Bref un passage qui touche l’adhérent dans ses jugements du risque encouru. C’est-à-dire n’être pas lu du tout, et donc avoir travaillé pour rien.
Par cela cette pratique de l’écriture, vu comme l’espérance de sortir du chômage, est objet d’échanges. C’est-à-dire, réduit l’isolement. Précisément, besoin recherché par les adhérents-auteurs de ce livre. Mieux, elle permet de consacrer des relations interpersonnelles et des témoignages publics où l’on parle autour et mesure l’émotion de l’adhérent-auteur.
Pour résumer, une intégration du passé dans le présent qui, de ce fait, autorise un possible futur : la réinsertion socioprofessionnelle. Donc, à la fois, un rôle réducteur, des ruptures, voire leur disparition, et un rôle constructif (la réinsertion).
C’est donc à partir de l’espérance de la réalisation d’un centre d’intérêts (écrire un livre) que sont apparues les aspirations de cette branche (écrire un livre pour « dire », témoigner d’un mal-être). Mais c’est surtout en gardant en filigrane Michel de Certeau qui dit : « Une théorie du récit est indissociable d’une théorie des pratiques, comme sa condition et en même temps que sa production. »(16)Certeau, Michel (de, notre photo), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. Essais, 1990, p.120.
En résumé, si l’émergence de l’espérance personnelle est mue par un manque, une rupture sociale par exemple, elle n’en est pas moins transformée en aspirations personnelles de réduction de ce manque, de cette rupture. Mais, l’adhérent conscient de sa situation réelle peut transformer son aspiration personnelle en aspiration collective de création d’un projet nouveau qui tendra à la réduction de ses ruptures sociales. Ainsi, le membre se porte toujours avec un autre vers un état qui lui semble meilleur que le sien en fonction d’une vue générale qu’il peut avoir de la société ou d’une situation.
4) Synthèse des trois notions : de la succession au lien intime
D’une manière plus générale, la réalisation des aspirations permet de satisfaire progressivement un certain nombre de besoins.
Les exemples de situations précédentes montrent que les aspirations peuvent être observées en fonction des comportements et des représentations.
C’est la raison pour laquelle, du simple désir (image plus ou moins fugitive)(17)« Le désir, lié à l’inconscient, à la partie la plus intime de la personne, prend sa source dans des événements de la vie du sujet et ces événements sont marqués par le cadre social dans lequel l’individu a vécu. […] L’histoire personnelle de l’individu est étroitement liée à la structure et à l’histoire de la société dont il fait partie. Il n’est pas possible de comprendre l’une sans se référer à l’autre. La psychologie ne peut pas ignorer la sociologie. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, ib., p.28-29 à l’espérance (attitude globale), en passant par les espoirs (attente d’un changement), les salariés d’une organisation se situent dans « un mouvement d’ensemble qui les prend tout entier sans qu’ils puissent toujours distinguer nettement ce qui différencie leurs désirs, ce qui relie leurs espoirs, ce qui les unit dans l’espérance. »(18)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.38.
Par là, les besoins-aspirations expriment la personnalité tout entière de l’individu dans un contexte donné, du salarié dans une organisation.
Donc, « les hommes n’aspirent pas seulement à acquérir des biens, même immatériels ; ils aspirent à atteindre certains états et à réaliser les conditions dans lesquelles ces états seront possibles, en particulier en créant des structures nouvelles. »(19)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.37. « L’état » peut être interprété en tant que « statut d’individu » inconsciemment visé par des actions singulières (le désir, l’espoir et l’espérance) et l’expression « structures nouvelles » comme une figure globale interactive, interdépendante et réciproque, toujours changeante ; c’est-à-dire une configuration (comme un projet, par exemple).
Néanmoins, les aspirations comportent toujours le risque d’une grande vulnérabilité face aux tentatives de leur satisfaction. D’où les possibles désillusions, désespoirs et désespérances. Mais, les transformations qui s’opèrent alors sur les représentations dans les interrelations et les interactions amènent toujours l’individu (en l’occurrence un salarié) participant à jouer un rôle de plus en plus engageant dans ses propres décisions et orientations. Il change.
Car les projets personnels se présentent petit à petit comme des projets communs. Les valeurs personnelles sont alors mobilisées en vue d’objectifs liés à la satisfaction des besoins commun (par exemple, un projet) et par extension à la satisfaction des besoins personnels.
A cette fin, les notions de désir, d’espoir et d’espérance se lient pour intervenir sur les comportements (engagement, motivation, abandon). Ce qui fait de la réalisation des projets menés (ici, par les branches de cette association que l’on peut étendre à n’importe quelle organisation), quelque chose d’autre qu’une simple activité.
Pour en savoir +
Notes de l`article [ + ]
1. | ↑ | Le lecteur peut lire le résumé du Café Philo des Phares, paru le 21 février 2010. |
2. | ↑ | Chombart de Lauwe, Paul-Henri, Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971, p.36. |
3. | ↑ | au moment des entretiens, la branche CAO était en sommeil faute de participants. Nous cherchions à savoir pourquoi les membres ne rejoignaient pas cette branche, entre autres missions au sein de l’association) |
4. | ↑ | Les phrases en italiques rapportent les propos des pilotes lors des entretiens. |
5. | ↑ | Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.65. |
6. | ↑ | CEB de cette association : Comprendre l’Économie et la Bourse est une branche de cette association usant de progiciels boursiers. |
7. | ↑ | « Parce-qu’avant de comprendre les mécanismes de la finance il faut du temps et acquérir une expérience. » en la matière. Cf. les entretiens avec quatre membres de cette branche. |
8. | ↑ | Un club d’investissement est un groupe de personnes qui décident de mettre en commun une épargne mensuelle d’un montant peu élevé.
L’objectif principal de cette démarche est, à la fois, de permettre à ses membres d’apprendre et de comprendre les mécanismes économiques, financiers et boursiers afin de constituer un portefeuille fictif d’actions puis investir réellement en Bourse ; répartir les risques et obtenir une fiscalité avantageuse ; mettre en commun et échanger des « savoirs ». |
9. | ↑ | Comme l’a exprimé un membre en entretien |
10. | ↑ | « Lorsque les aspirations des personnes et des groupes sont prises en considération dans la décision, le pouvoir est de type démocratique. » Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, op. cit., p.27. |
11. | ↑ | Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, ib., p.28. |
12. | ↑ | Le nom « Echap » est venu à partir de la touche du clavier informatique « échap » (ou « esc », abréviation de escape en anglais). Sur un ordinateur, cette touche permet, en outre, de fermer des fenêtres, sortir d’une situation. |
13. | ↑ | Les fous du Kiosque Peynet, La Mirandole, 2001 |
14. | ↑ | Son intrigue fait « médiation entre des événements ou des incidents individuels, et une histoire prise comme un tout. A cet égard, on peut dire équivalemment qu’elle tire une histoire sensée de- un divers d’événements ou d’incidents (les pragmata d’Aristote) ; ou qu’elle transforme les événements ou incidents en- une histoire. » Ricœur, Paul, Temps et récit. L’intrigue et le récit historique, t.1, Point, 1991, p.127. |
15. | ↑ | Certains membres de cette branche Littérature ont retrouvé un emploi avant d’achever le livre. |
16. | ↑ | Certeau, Michel (de, notre photo), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. Essais, 1990, p.120. |
17. | ↑ | « Le désir, lié à l’inconscient, à la partie la plus intime de la personne, prend sa source dans des événements de la vie du sujet et ces événements sont marqués par le cadre social dans lequel l’individu a vécu. […] L’histoire personnelle de l’individu est étroitement liée à la structure et à l’histoire de la société dont il fait partie. Il n’est pas possible de comprendre l’une sans se référer à l’autre. La psychologie ne peut pas ignorer la sociologie. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, ib., p.28-29 |
18. | ↑ | Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.38. |
19. | ↑ | Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.37. « L’état » peut être interprété en tant que « statut d’individu » inconsciemment visé par des actions singulières (le désir, l’espoir et l’espérance) et l’expression « structures nouvelles » comme une figure globale interactive, interdépendante et réciproque, toujours changeante ; c’est-à-dire une configuration (comme un projet, par exemple). |
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Quelle différence y a-t-il entre « Espoir » et « Espérance » ?
Vu que ce sont des synonymes.
Martin,
Remarquons préalablement que « espoirs » peut être pluriel alors qu’espérance se trouve uniquement au singulier.
Je propose, sous toutes réserves, l’explication (que j’ai adoptée) suivante :
Il me semble que les espoirs sont statiques (on attend que quelque chose arrive avec confiance) et que l’espérance est dynamique (on participe à ce que quelque chose arrive).
Bien évidemment, s’il est facile de déterminer « l’attente », il est moins aisé de déterminer la « participation » : comment participe-ton ? Est-ce que prier est une participation, par exemple ?
En ce sens, espoirs et espérance ne sont pas tout à fait, tout à fait, synonymes (prononcez « tout à fait, tout à fait synonymes » en entrant la tête sur les épaules et en pointant le pouce et le majeur réunis comme si vous vous apprêtiez à poser un point très très fin sur une feuille de papier tout en vous crispant pour contrôler vos mouvements afin de ne pas en rater la calligraphie).
C’est très très subtil, j’en conviens !
Je ne voudrais pas trop m’engluer, néanmoins je reformule :
Les espoirs sont pris entre une perception individuelle des paradigmes et l’individualité intime de chacun. C’est une préoccupation passive attendant de passer d’un état vers un autre état. Ceci dit, les espoirs portent en avant malgré cette passivité.
L’espérance est une posture plus globale de tout l’être, elle permet de garder une « raison de vivre » au-delà des échecs, des désillusions et des espoirs déçus. Elle motive, elle engage, elle implique. L’espérance est une aspiration dynamique et courageuse de réalisation. Elle est à la fois de l’agir individuel et de l’éprouvé commun. Elle autorise la transformation, le changement, l’appréhension du monde (pour paraphraser Louis Dumont : « être dans le monde »). N’oublions pas, enfin, que l’Espérance est une vertu théologale dont un des objets est la participation à la gloire de Dieu.
Du côté de la sociologie, Paul-Henri Chombart de Lauwe nous dit : « un homme ne se porte jamais entièrement seul vers un but ou vers un état qui lui semble meilleur que le sien actuel. Du simple désir à l’espérance, les hommes se trouvent de plus en plus impliqués dans un mouvement d’ensemble qui les prend tout entiers sans qu’ils puissent toujours distinguer nettement ce qui différencie leurs désirs, ce qui relie leurs espoirs, ce qui les unit dans l’espérance » (P-H Chombart de Lauwe, pour une sociologie des aspirations, Ed° Denoël/Gonthier, 1971, p.38).
Bon, maintenant si je cherche sur Wikipedia, voilà ce qui est dit :
« Espérance : action d’espérer ou résultat de cette action. Se différencie du synonyme « espoir » [synonyme, donc mais différent, puisqu’il se différencie ! ndlr] qui s’inscrit dans le quotidien humain, matériel par sa dimension escathologique. » (http://fr.wiktionary.org/wiki/esp%C3%A9rance )
En vous remerciant de me faire part de votre avis.
Bien à vous.
WOW, c’est ce que j’appellerais une explication étoffée 😉
La définition (je vous le concède volontiers, bien plus simple) sur l’internaute dit : espoir, nom masculin
Sens 1 Fait d’attendre, d’espérer. Synonyme espérance Anglais hope
Sens 2 Objet de cette attente.
et, il s’agit donc bien d’un synonyme.
Cela dit, je peux également vivre avec votre approche, du moment que vous êtes en mesure de l’interpréter dans un sens constructif, ce qui semble être le cas.
Merci pour la réponse.
Est-ce que les aspirations d’un salarié confronté au changement ne peuvent pas se résumer par une seule notion : le « sens donné au changement » ? En effet, le sens perçu par l’individu lors d’un processus de changement résume selon moi ses espoirs, ses espérances et ses désirs. Cela signifie également que l’individu est acteur et maître du changement qu’il nourrira ou, au contraire, qu’il bloquera selon sa perception du futur après ledit changement.
Votre question est pertinente Fabrice, elle appelle à des notions de fond de perceptions et de valeurs personnelles, de valeurs intrinsèque (nous ne parlons bien évidemment pas de valeurs communes, compatibles, culturelles liées à l’organisation). A ce titre, je vous invite à prendre connaissance de l’article ISRI sur les valeurs.
Mais surtout, je vous conseille de prendre connaissance de l’article ISRI sur les manières de faire des salariés dans les organisations
Néanmoins, il me semble que si parfois (peut-être même, souvent !) le salarié se trouve dans ce cas, il doit bien exister quelques autres situations indépendamment du sens donné. Cet article en aborde plusieurs.
Ceci dit, ce qu’il faut finalement retenir c’est que les aspirations du salarié dans le changement organisationnel peuvent se décliner en trois dimensions :
Je pense que c’est cet aspect général-là en trois dimensions qu’il faut garder à l’esprit comme un socle de réflexions préalables pendant une conduite du changement . Puis, à partir de l’intégration de ce socle de réflexions en trois dimensions, il devient possible de décortiquer les situations d’adhésion ou de résistance, pour ne citer que ces valences.
PS : pour mémoire, en psychologie, une valence est une attirance ou une répulsion qu’éprouve un sujet à l’égard d’un objet ou d’une activité. Dans notre sujet, la valence est soit positive, soit négative du point de vue de l’organisation car une résistance, valence à priori négative, peut être considérée comme positive car elle peut, par exemple, mettre en exergue des difficultés. Au contraire, la valence d’action, à priori positive, peut être un frein (chemin faisant) si elles est aveuglée par un enthousiasme exacerbé, du genre : « c’est super, je sprinte la tête dans le guidon ! » (par exemple).