Mai 152014
 

Le changement : Des organisations à l’individu… et vice versa ! (1re partie)
RÉSISTANCES, EST-CE BIEN RATIONNEL ?
(2me chapitre)

Dossier changement résistance ISRISignifier le changement organisationnel conduit inexorablement à signifier la question de la résistance. Celle-ci est généralement perçue négativement par les directions car elles évoquent viscéralement la résistance au changement lorsqu’elles sont confrontées à un échec. Pourtant, l’analyse psychosociologique et notre expérience sur le terrain montrent que les gens ont de bonnes raisons de ne pas vouloir changer.

 

Question de départ

RÉSISTANCE AU CHANGEMENT : EST-CE BIEN RATIONNEL ?

Chaque fois que les consultants ISRI interviennent dans une organisation ils sont confrontés à une réalité contradictoire : d’un côté, la perspective de changements ambitieux émis par les directions, d’un autre côté les obstacles et la résistance à ces changements par les salariés.

Or, lorsque nous interrogeons les salariés, la plupart d’entre eux veulent que « ça change » et souvent la demande est convergente avec le changement programmé de l’organisation. Alors que se passe-t-il ?

A. Les raisons pour ne pas changer

A. Les raisons pour ne pas changer

Dans le premier chapitre, nous avons rappelé que Michel Crozier avait montré la rigidité du système bureaucratique et les différents jeux de pouvoir.(1)M. Crozier & E. Friedberg, l’acteur et le système, seuil, 1977 dont un chapitre est consacré au « changement comme phénomène systémique » in Prépa IFCS, Victor Sibler, Ed° Lamarre, 4è éd°, 2008, p.238.

Michel Forsé et Henri Mendras ont résumé les travaux de Crozier et Friedberg : « Les acteurs ne sont pas attachés de façon passive à leur routine : tout le monde est prêt à changer rapidement s’il y trouve son compte, mais en revanche, on résistera en fonction des risques encourus avec le changement ».(2)Le changement social, Armand Colin, 1983.

Par ailleurs, une enquête menée par le Laboratoire Technique Territoire et Société à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées à la fin des années 90, a montré que les salariés de base vivaient dans une forte incertitude lorsque l’évolution rapide de l’organisation mettait, tour à tour leur service (leur atelier, leur groupe…) en position alternée de force et de faiblesse créant, ainsi, de l’incertitude.

Or, en situation d’incertitude, l’être humain reste prudent, sceptique et une telle situation qui perdure, apprend au salarié de douter de tout…

Si à cela, l’encadrement fait l’objet de rotations rapides, les exigences sont contradictoires (faire mieux, plus vite, moins cher…) et les ordres s’annulent les uns les autres, la situation amène à des résistances, finalement, bien rationnelles !

B. Les explications aux résistances

B. Les explications aux résistances

Nous aborderons dans ce chapitre quelques explications aux résistances de manière succincte uniquement car la partie 3 de ce dossier y revient en détails pour en présenter une manière pratique de les gérer.

1) Les résistances individuelles au changement

D’après Kotter et Schlesinger il y aurait quatre raisons majeures de résistance individuelles au changement :(3)Krotter JP.P Schlesinger L.A. et al., organization : text, cases and reading on the management of organizational design and change, Homewood, III, R.D. Irwin, 1979, in Réussir le changement, Marsan C., De Boeck, 2008.

  • l’intérêt individuel prime sur l’intérêt de l’organisation,
  • le manque de confiance dans les responsables du changement,
  • la peur de ne pas développer les compétences demandées et les comportements attendus,
  • la perte du connu, des acquis.

Collerette, Delisle et Perron, quant à eux, parlent principalement de peur et d’une préférence pour la stabilité : l’inconnu, perdre ce que l’on possède, remettre en cause ses compétences…

Ces explications, non exhaustives, des résistances individuelles au changement posent la question des valeurs, de la manipulation, du contrat moral, autant de thèmes que nous aborderons dans la partie 2 de ce dossier. Pour l’heure, passons aux résistance organisationnelles.

2) Les résistances organisationnelles au changement

De nombreux auteurs ont mis en évidence l’inertie structurelle des organisations et l’importance de l’institutionnalisation des buts pour assurer leur survie et leur pérennité(4)Hannan M.T., Freeman J., 1989, Boeker, 1989, Kimberly, 1979. Ce sont précisément, ces points qui induisent des résistances au changement.

Une origine parallèle de résistances réside dans la perte des privilèges et des acquis au sein de l’organisation.

Par ailleurs, un facteur très important siège dans les normes, les valeurs, la culture d’entreprise dont certains traits d’attachement ont une incidence sur l’aptitude à changer.
Enfin, pour mener à bien le changement, un responsable des actions doit être clairement identifié et reconnu, sinon, on court le risque de l’inertie, de l’apathie et de la routine.

3) Les résistances politiques au changement

Les syndicats, les lobbies, les personnes influentes sont des éléments importants dont il faut tenir compte car ils peuvent orienter les décisions des acteurs.(5)C. Bareil, La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, Cahier de recherche n°4, août 2004.

4) les résistances collectives au changement

D’après Carton(6)Éloge du changement : leviers pour l’accompagnement du changement individuel et professionnel, Village mondial, 1997 in C. Marsan, op.cit., les formes collectives de résistances au changement sont au nombre de quatre : l’inertie, l’argumentation, la révolte et le sabotage. En quelques mots, voyons ces résistances collectives :

L’inertie est une absence de réaction au changement même si les personnes laissent entendre qu’elles acceptent le changement.

Un changement non argumenté sur le fond et/ou sur la forme ne sera pas intégré.

La révolte est toujours précédée de menaces et se caractérise de plusieurs manières : grève, recours à la hiérarchie, demande de mutation, démission… elle survient lorsqu’un salarié est incapable d’ajuster sa réalité à celle du changement proposé.

Le sabotage, technique pernicieuse, visant à déstabiliser l’initiateur du changement. Elle consiste en une révolte sous une apparente soumission. Elle prend souvent la forme d’un excès de zèle ou/et la formation de réseaux de contestations sous-jacents.

C. Que constatons-nous, en fait ?

C. Que constatons-nous, en fait ?

Prestation - Supervision ISRIPour résumer la résistance au changement organisationnel, nous ferons une constatation : la résistance n’est pas systématique, elle est souvent induite par la manière dont est introduit le changement.

Autrement dit, dès lors que l’on considère les émotions, les affects et les identités de toutes les parties prenantes, les résistances sont amoindries. Ce qui nous amène à faire la transition vers le corollaire du changement organisationnel, à savoir :

le changement personnel (chapitre 3).

Pour en savoir +

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Mai 052013
 

Changement personnel - Photo Analyse ISRIChangement personnel :
MIEUX CHOISIR SA THÉRAPIE

Voici un passage tiré du livre de notre collaborateur Gilles PROD’HOMME, Le guide du mieux-être, Eyrolles, 2009. Il traite de la psychothérapie et du changement personnel en dehors du changement organisationnel.
Gilles aborde dans cet extrait la psychothérapie en tant qu’elle est un élément important du Développement Personnel ; à savoir : donner à l’être humain la possibilité de prendre conscience et d’optimiser son potentiel en mettant en œuvre l’ensemble de ses facultés et aptitudes, dans un sens constructif et positif (cela va de soi !).

Précisons, préalablement à cet article « changement personnel : mieux choisir sa thérapie », qu’un individu qui s’initie à une technique particulière (PNL, AT, hypnose éricksonnienne, sophrologie…), seul ou avec l’aide d’un tiers (thérapeute, formateur, coach), peut poursuivre son auto-croissance, passant du statut de patient à soigner à celui de client épanoui et soucieux de l’être plus encore. De même qu’il peut très bien pratiquer l’assertivité dans le seul but de mieux s’exprimer (au bureau, dans une réunion, avec les proches).

La psychothérapie, le bras armé du changement positif…

Pas de définition officielle pour… de très bonnes raisons

Autant le dire tout de suite, les professionnels de la santé mentale, au sens large, reconnaissent l’extrême difficulté de définir la psychothérapie dans son essence. Il n’existe du reste aucune définition officielle faisant autorité. Sans doute est-ce là une tâche aussi impossible que vaine. Impossible car, fort heureusement, l’humain reste irréductible à un modèle d’interprétation, aussi perfectionné soit-il, vaine, car le monde de la psychologie se transforme constamment au gré des nouvelles observations, découvertes, applications, les spécialistes ayant déjà répertorié plus de 400 types de psychothérapies. Là encore, nous ajouterons, absolument sans aucune ironie, que c’est heureux. Un proverbe oriental énonce qu’il existe autant de voies spirituelles qu’il existe de moines. Le constat s’applique également à la psychologie, chaque psychothérapie étant par définition unique. Un Jung ou un Erickson revenaient inlassablement sur ce point et manifestaient une grande prudence de bon aloi à l’endroit des visions théoriques.

A retenir ISRILe mot « psychothérapie » a été utilisé pour la première fois en 1891 par Hyppolyte Bernheim (1840-1919), professeur de pathologie interne à Nancy, dans Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. Études nouvelles. Il voulait souligner que l’effet thérapeutique résultant de l’établissement de la relation (le mot clé) médecin/malade n’est dû ni à l’état hypnotique produit par le thérapeute sur le patient pour l’établir, ni à la simple suggestion qu’elle induit, mais procède de processus propres à cette relation. En synthèse, la psychothérapie s’active lorsqu’il ya réellement rencontre (l’autre mot clé) entre deux individus. C’est dire l’importance cruciale d’un dialogue interpersonnel authentique.

Il n’est pas interdit toutefois de dégager des lignes directrices pour guider la réflexion et l’action. Les professionnels ne s’en privent pas à l’instar de ces deux définitions (l’une synthétique, l’autre analytique). Comme toutes les définitions, elles ont leurs limites, mais présentent l’avantage de fixer un cadre de réflexion :

Dossier Changement Définition ISRI• Rappelons tout d’abord celle, très générale d’Antoine Porot. Elle qualifie l’essence de la visée psychothérapeutique : « La psychothérapie est l’ensemble des moyens par lesquels nous agissons sur l’esprit malade ou sur le corps malade par l’intervention de l’esprit. »
• Puis celle avancée par Hans Stotzka (1978) d’une longueur proustienne. Elle intègre plusieurs notions clés (personnalité, changement, comportement, communication…) : « La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié visant à influencer les troubles du comportement et les états de souffrance qui, dans un consensus (entre patients, thérapeute et groupe de référence), sont considérés comme nécessitant un traitement, par des moyens psychologiques (par la communication) le plus souvent verbaux, mais aussi non verbaux, dans le sens d’un but défini, si possible élaboré en commun (minimalisation des symptômes et/ou changement structurel de la personnalité), au moyen de techniques pouvant être enseignées sur la base d’une théorie du comportement normal et pathologique. En général cela nécessite une relation émotionnelle solide.

La psychothérapie se présente donc comme une intervention psychologique prenant appui sur une théorie (scientifique) ou une vision (non scientifique) de la personnalité et de ses troubles, bénins ou plus profonds. Précision : sans prétendre aucunement à la vérité scientifique, une méthode peut se révéler efficace et bénéfique.

Selon les cas, l’intervention sera menée par des professionnels reconnus (nos amis psychiatres et psychologues) ou non officiels (en gros, des psychanalystes aux thérapeutes New Age, soit un psycho-marché échappant nécessairement à toute mesure statistique fiable). Comme toujours dans les affaires humaines, on doit sans cesse le rappeler, chez les non officiels, l’excellent côtoie le médiocre, voire le risqué… tout comme chez les officiels. Avec une différence de taille concernant ces derniers : l’existence d’un cadre réglementaire assorti de possibilités de contrôle des activités mises en œuvre.

Prestation - Supervision ISRI
Bon à savoir : 
En France, il est possible de consulter gratuitement. Comment ? En se rendant dans un CMP (centre médico-psychologique). Les intervenants sont des professionnels reconnus. Mais gratuité rime avec délais d’attente importants. Pour savoir où se situe le CMP le plus proche de chez vous rien de plus simple : contactez les services sociaux de votre mairie ou saisissez sur Internet le terme CMP suivi de votre numéro de département. Se tourner vers un CMP peut se révéler une très bonne entrée en matière dans une trajectoire de travail sur soi avec l’aide d’un personnel formé.


Toujours pour en rester aux perspectives essentielles, Olivier Chambon et Michel Marie-Cardine, tous deux médecins psychiatres, soulignent que la psychothérapie intègre cinq dimensions En interaction, chaque dimension donnant lieu à des approches et des méthodes scientifiques :

1. Le contexte social et interpersonnel dans lequel évolue le patient, du berceau à la tombe. En dehors de ses déterminations psychologiques, l’individu subit l’influence, souvent inconsciente, des codes culturels dominants de la société dans laquelle il évolue. Si certaines normes jouent un rôle structurant et constructif, d’autres peuvent entraver le développement de la personnalité. Bien souvent, en croyant exprimer ce qu’il a de plus intime, l’individu ne fait que manifester dans son comportement et ses aspirations des normes intériorisées dès la petite enfance ou à d’autres moments de l’existence.

2. Les cognitions du sujet. Remarquons brièvement qu’en psychologie la cognition désigne l’ensemble des facultés mentales (intelligence, mémoire, perception, représentation) et des processus (compréhension, apprentissage) qui nous permettent d’interagir avec le milieu et grâce auxquels nous connaissons et savons que nous connaissons les objets de la pensée et les phénomènes du monde extérieur. Les cognitions désignent également les pensées qui surgissent automatiquement dans la conscience lorsque nous vivons une expérience. Ce flot de pensées correspond à ce que les spécialistes nomment « monologue intérieur » ou « auto-verbalisation ».

Les thérapies cognitives travaillent sur l’ensemble des représentations, images ou affects qui imposent spontanément à l’esprit en réaction à des situations ou des événements. Elles cherchent en particulier à mettre en lumière les schémas cognitifs de l’individu qui déterminent son comportement et ses réactions dans une situation donnée. Ces croyances fondamentales sont intégrées assez rapidement par l’enfant et tendent à provoquer des jugements et induire des comportements répétitifs. Bien sûr, la thérapie visera à enchâsser dans la conscience des cognitions favorables à l’épanouissement et au mieux-être, bref, à travailler sur la pensée consciente du sujet dans un sens constructif et positif. Celui-ci sera progressivement amené par le thérapeute à changer sa pensée, autrement dit, son point de vue par rapport à lui-même et une situation donnée, et à gagner en lucidité, en objectivité et, finalement, en autonomie de décision et d’action.

3. Les affects (sentiments, émotions…) qui touchent l’individu et influencent son comportement. Nous n’épiloguerons pas ici sur le poids proprement écrasant des affects sur la vie psychique des êtres humains. A elle seule, la gestion des sentiments et des émotions justifie l’invention des psychothérapies. De plus, chaque méthode de « DP » comporte – à juste titre – son volet de travail sur les affects, les sentiments, les émotions.

4. Les comportements (habitudes, auto-programmations, attitudes…) du sujet qui façonnent son agir, son attitude dans la vie et son-être-au-monde pour parler comme les philosophes. La grande découverte des thérapies cognitivo-comportementales réside dans le fait que les cognitions induisent des comportements, mais que les comportements s’accompagnent de cognitions. La modification des cognitions et des comportements se trouve par conséquent au cœur de l’action thérapeutique. En effet, il n’y a pas lieu d’opposer cognition et comportement, mais plutôt d’examiner leur interaction.

5. Les sensations (impressions, ressentis, perception du schéma corporel…) qui jouent un rôle important dans les processus cognitifs de l’individu. Après tout, notre corps physique constitue notre point d’insertion, ou plutôt d’immersion dans l’espace et le temps. Le corps nous permet d’interagir avec le milieu et de nous connaître (conscience de soi, des autres, du monde extérieur).

Dans l’idéal, tout psychothérapeute devrait connaître et maîtriser l’intégralité de l’éventail des techniques existantes afin de les adapter à chaque psychothérapie. Soit, par exemple, le cas d’un individu atteint de la phobie des ascenseurs.

Le thérapeute peut choisir de démarrer par une approche comportementale, poursuivre avec de la thérapie cognitive, faire du cognitivo-comportemental et, pourquoi pas, passer à une approche psycho-corporelle. Faut-il le spécifier, je décris ici un schéma impossible, aucun accompagnateur psychologique ne pouvant cumuler tous les talents, dominer toutes les méthodes et doser leur usage en fonction de chaque individu.

Mais il n’empêche : l’esprit de transdisciplinarité est de mise pour qui veut aider ses contemporains. Car il est fort rare qu’un client ou un patient vienne consulter en disant explicitement à son interlocuteur : « je veux faire de la PNL et rien d’autre. » L’objectif poursuivi est l’amélioration (en l’espèce, le dépassement de la phobie des ascenseurs) ; la technique, un moyen. Enfin, et surtout : ni la technique, ni les modélisations ne devraient faire écran dans la relation thérapeute/patient. La théorie doit servir la pratique mais ne jamais se substituer à elle.

Sur cette base, somme toute réaliste et fondamentalement rationnelle, le lecteur perçoit l’intérêt objectif du plaidoyer de Chambon et Marie-Cardine en faveur d’une « approche intégrative et éclectique méthodique », capable de relier différentes techniques, tout en évitant l’écueil d’un syncrétisme nébuleux. Pas facile mais très nécessaire.

En guise de conclusion : pas d’oppositions sommaires entre les doctrines et approches donc ici, tout simplement d’utiles éléments de repérage.

L'auteur

Pour en savoir +

Avr 112013
 

Dossier Changement Caméléon ISRILe changement :
Des organisations à l’individu… et vice versa ! (1re partie)

LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
(1er chapitre)

Que nous soyons un responsable du changement, un salarié ou alors tout simplement un individu, nous retrouvons le changement au cœur de trajectoires et de stratégies n’ayant pas toutes les mêmes causes ni les mêmes réalités. Ainsi, entendons-nous parler de changement personnel, de changement organisationnel, de changement économique, de changement politique, de changement social… les sociétés modernes semblent entraînées dans un tourbillon de « changements » sans cesse croissant. Il n’y a pas lieu d’en être bouleversé, le changement fait partie intégrante de nos vies ! Ce dossier s’adresse à tous ceux qui vivent le changement et à tous ceux qui veulent comprendre le changement.


Liminaire

Rien n’est figé, tout est changeant !

Rappelez-vous la phrase célèbre : « …nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve… ». Héraclite voulait signifier, par là, que tout était en perpétuel changement, en constant mouvement, même notre vie intérieure(1)Pour philosopher un peu, nous pourrions peut-être considérer que le ‘présent’ ne change jamais ?.

Bouddha n’a-t-il pas dit : « Il n’existe rien de plus constant que le changement » ?

Une chose est sûre : le CHANGEMENT est l’un des mots dominant de notre temps ; il s’immisce partout !

Néanmoins, nous réduirons ce thème du changement vers et dans le contexte du travail.

Autrement dit, nous axerons ce dossier uniquement sur le changement organisationnel et sur son corolaire : le changement personnel, pour essayer de jauger le changement personnel DANS le changement organisationnel.

Ainsi, pour commencer, après un essai de définition de l’expression « changement organisationnel » si communément employée, la première partie va en évaluer quelques caractéristiques.

Ensuite, dans une deuxième partie, nous pointerons le changement personnel. Du moins, ce qui permet de changer individuellement, d’accepter les changements constants dans une perspective d’intérêts liés entre soi et l’organisation. Chemin faisant, nous aborderons les émotions, les affects, les valeurs et les références identitaires.

Enfin, la troisième partie de ce dossier, présentera un « petit guide à l’usage du changement » permettant, aux responsables du changement, de conduire et de réussir le changement organisationnel. Ainsi nous nous focaliserons sur les conduites qui sauvent afin de sortir des blocages pour évoluer dans une relation gagnant-gagnant entre soi et l’organisation.

PREMIÈRE PARTIE, PREMIER CHAPITRE

Comme nous venons de le préciser, nous aborderons le changement uniquement sous l’angle organisationnel et personnel. Nous allons commencer par faire un état des lieux tout en nous questionnant, en filigrane, sur le le thème du changement en général. Ceci nous permettra de développer plus facilement les deuxième et troisième parties de ce dossier.

Etat des lieux

LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

A. Etat des lieux

Le changement est partout présent dans les organisations. Il accompagne l’évolution et les mutations diverses des différentes stratégies, elles-mêmes contraintes par plusieurs forces : nouveaux apprentissages, flexibilité, innovations technologiques, évolutions techniques et matérielles, mouvements dans la hiérarchie, modification d’activités, mutations, fusions, délocalisations, restructurations, réorganisations, investissements, désinvestissements, etc.

Conjointement, les organisations doivent gérer des situations accrues d’instabilité ou de bouleversements de leur environnement : faillite de partenaire, perte ou gain de marchés, mobilité du personnel, migration de commercialisation sur l’Internet, évolution informatique, situation de crise (économique, financière ou sociale)…

Au-delà de l’aspect stratégique des organisations, le changement organisationnel pose aussi la question du point de vue social, particulièrement, sur le plan des relations au travail : quelles sont les contraintes et freins inhibant le changement organisationnel : croyances, incertitudes, concurrence, doutes, procédures inadaptées, etc. ?

Les nombreuses situations de changements organisationnels foisonnants et fluctuants conduisent parfois à des initiatives individuelles et à une collaboration spontanée ou/et volontaire dans les tâches quotidiennes au travail et à tous les niveaux hiérarchiques.

Certaines organisations l’ont bien compris et, de manière acharnée, ce sont lancées à promouvoir cette voie ; avec peu de succès, il faut bien le reconnaître car :
– premièrement, elle est généralement effectuée sans harmonisation, normalisation et formalisation visant à assurer, à la fois, le partage des informations et le « partage du sens » (nous reviendrons sur le sens dans la deuxième partie de ce dossier), et,

– deuxièmement, la démarche de l’organisation est beaucoup trop connotée du sentiment qu’elle vise son seul intérêt au complet détriment de celui des salariés.
Il en va ainsi des groupes de travail, de la réduction des niveaux hiérarchiques, techniques de motivations et training divers effectués par les organisations et imposés par les organisations : « mon patron me paie un week-end dans un château pour que je sois plus productif ».

Définition

B. Définition du changement organisationnel

Même si nous avons parfaitement conscience du caractère non exhaustif d’une définition du changement organisationnel (il existe d’ailleurs de nombreuses définitions), tenter de le définir suppose de dépasser les lieux communs.

Avez-vous remarquez lorsque vous demandiez à quelqu’un « qu’est-ce que le changement organisationnel ? », la réponse était invariablement la même : « un changement dans l’organisation ! ».

Vous en conviendrez aisément, cette réponse est largement insatisfaisante car, non seulement trop vague, elle reste totalement muette sur ce que vise le changement, qui en profite et surtout : qu’est-il, intrinsèquement ?

Par ailleurs, si vous appelez les auteurs dans le champ du management pour définir le changement organisationnel, nous retrouvons systématiquement une idée de STRATÉGIE pour évoluer, progresser, se transformer, atteindre des objectifs… se traduisant concrètement par des actions ou des procédures sur une période déterminée.

Du côté de la sociologie, le changement organisationnel est un double apprentissage indissociable pour les personnes impliquées ; celui de nouvelles manières de faire (travail) et de nouvelles manières de coopérer (relations).

La psychosociologie s’appuie sur la physique pour expliquer le changement organisationnel. En effet s’il s’agit « d’un passage d’un état A à un état B ». Ce qui signifie qu’il implique un PROCESSUS DYNAMIQUE d’émergence (de l’état B), parfois turbulents, qu’il paraît profondément intéressant d’examiner.

Dossier Changement Définition ISRIAllez, allons-y, risquons-nous à une définition :

Qu’est-ce que le changement organisationnel ?

« Le changement organisationnel est un concept de gestion couvrant un ensemble de mutations dynamiques internes, subies ou désirées par les parties concernées, permettant le passage d’un état présent à un état convoité considéré comme plus approprié. »

Cette définition s’attache à mettre en exergue cet aspect de « mutations dynamiques » qu’il nous paraît le plus important à examiner dans nos interventions ISRI sur le terrain.

Repères du changement organisationnel

Repères du changement organisationnel

1) Différentes approches

Curieusement, les différentes approches du changement organisationnel se rejoignent dans la vision d’une opération mécanique qui vise à planifier, à anticiper dans une démarche globale et collective faisant l’objet d’un apprentissage et d’une institutionnalisation.

Il va sans dire que le décalage avec la réalité du terrain est important car ces approches ne considèrent pas les urgences, les applications de recettes, les décisions décrétées, etc.
Dossier Changement ISRI V. de Gaulejac Dossier Changement ISRIC. DejoursLes travaux critiques de Vincent de Gaulejac et Christophe Dejours (nos photos) insistent sur les effets pervers du changement permanent : démotivation, épuisement professionnel (burn out), stress, précarisation…

Dossier Changement ISRI K. LewinAlors que Kurt Lewin (1890-1947 – notre photo), pionnier de la psychologie sociale et de la dynamique des groupes avait déduit de ses expériences, dès 1944, que tout changement doit être porté par l’ensemble des parties prenantes et agir sur des normes partagées.

Dans les années 50, les travaux du Tavistock Institute de Londres considèrent qu’il faut tenir compte, à priori, du travail humain, notamment pour concevoir les installations et les postes de travail.

Joan Woodward (1916-1971) soutient que le changement est un processus d’adaptation à des variables contingentes, notamment celles liées à l’influence déterminante de l’innovation technologique.

Sur la même idée, d’autres auteurs (Perrow, Pettigrew, Mintzberg) introduiront d’autres facteurs, ceux de pouvoir, de nature du travail, de coordination, entre autres.
Il existe aussi une multiplicité d’approches cognitives selon laquelle le changement résulte des capacités d’apprentissage individuel et collectif. Par exemple remettre en cause ses représentations pour faire face à une difficulté.

Dossier Changement ISRI M. CrozierBien entendu, nous ne pouvons pas oublier Michel Crozier (notre photo – sociologie des organisations) qui a mis en évidence les cercles vicieux et les rigidités bureaucratiques, facteurs de résistance ; ainsi qu’Erhard Friedberg qui montre l’absolue nécessité d’un apprentissage collectif visant de nouvelles manières de coopérer et de raisonner.

Enfin, constatons que désormais, il se développe de plus en plus de recherches sur la communication interpersonnelle donnant naissance à des méthodes de construction résultant de processus d’interaction entre les individus.

2) Outils du changement

Trop souvent encore, les cabinets de conseil commercialisent soit l’application de recettes, soit des interventions visant la « transformation ». Le tout s’apparentant à un modèle générique de résolution de problèmes très connu : audit, préconisations de solutions, accompagnements et vérification.

Ainsi, nous trouvons différents outils issus des travaux des auteurs cités plus haut comme l’analyse stratégique, les techniques communicationnelles, l’analyse des vecteurs, les techniques de développement organisationnel (T-Group, team-building, direction par objectifs), les approches sociotechniques et les outils de changement stratégique (TQM Total Quality Management ou Qualité Totale, reengineering ou reconfiguration), entre autres.

Voyons, en quelques mots certains outils :

L’analyse stratégique est une méthode d’intervention sociologique permettant de mettre en exergue les stratégies des acteurs, les relations de pouvoir et les jeux d’alliance. Cette méthode est souvent utilisée lors d’analyses institutionnelles ou d’analyses de la qualité sociale préalables à une démarche de changement organisationnel ou social.

Les techniques communicationnelles appellent les champs de la psychologie. On peut y trouver l’analyse transactionnelle, la systémie, l’analyse situationnelle…
L’analyse des vecteurs permet d’identifier les forces favorables et antagonistes au changement.

Le T-Group vise à réguler les relations au sein des équipes en aiguisant la conscience que les salariés ont de leurs comportements, notamment ceux de (dé)motivation.
La direction par objectifs structure (du moins cherche à structurer) les relations encadrant-subordonnés en fixant des résultats à atteindre.

Le Team-building consiste à constituer des équipes de travail autonomisés dans les objectifs et l’analyse du fonctionnement du groupe constitué.

Les approches sociotechniques sont des techniques anti-tayloriennes par excellence. Elles sont fondées sur l’idée de la « démocratie en entreprise », notamment pour la conception des postes de travail. Actuellement plutôt à l’abandon, ces types d’approches ont connu un certain succès dans les années 70 avec l’exemple célèbre des usines Volvo.

La Qualité Totale (TQM : Total Quality Management) est une politique globale visant la satisfaction du client et l’amélioration permanente de la qualité. C’est de là que sont nés les fameux Cercles de Qualité.

Enfin, le reengineering (reconfiguration, en français) a pour but de redéfinir les buts de l’organisation. Aujourd’hui, ce terme s’est glissé à l’ensemble des opérations de « mise à plat » de l’entreprise.

Pourtant ces recettes et ces interventions sont incomplètes car elles essayent de formater les salariés plutôt que de les adapter au changement en les considérant pour ce qu’ils sont : la véritable richesse de l’organisation !

Deuxième chapitre : Résistance au changement : est-ce bien rationnel ?

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