Le changement : Des organisations à l’individu… et vice versa ! (1re partie)
RÉSISTANCES, EST-CE BIEN RATIONNEL ?
(2me chapitre)
Signifier le changement organisationnel conduit inexorablement à signifier la question de la résistance. Celle-ci est généralement perçue négativement par les directions car elles évoquent viscéralement la résistance au changement lorsqu’elles sont confrontées à un échec. Pourtant, l’analyse psychosociologique et notre expérience sur le terrain montrent que les gens ont de bonnes raisons de ne pas vouloir changer. |
RÉSISTANCE AU CHANGEMENT : EST-CE BIEN RATIONNEL ?
Chaque fois que les consultants ISRI interviennent dans une organisation ils sont confrontés à une réalité contradictoire : d’un côté, la perspective de changements ambitieux émis par les directions, d’un autre côté les obstacles et la résistance à ces changements par les salariés.
Or, lorsque nous interrogeons les salariés, la plupart d’entre eux veulent que « ça change » et souvent la demande est convergente avec le changement programmé de l’organisation. Alors que se passe-t-il ?
A. Les raisons pour ne pas changer
Dans le premier chapitre, nous avons rappelé que Michel Crozier avait montré la rigidité du système bureaucratique et les différents jeux de pouvoir.(1)M. Crozier & E. Friedberg, l’acteur et le système, seuil, 1977 dont un chapitre est consacré au « changement comme phénomène systémique » in Prépa IFCS, Victor Sibler, Ed° Lamarre, 4è éd°, 2008, p.238.
Michel Forsé et Henri Mendras ont résumé les travaux de Crozier et Friedberg : « Les acteurs ne sont pas attachés de façon passive à leur routine : tout le monde est prêt à changer rapidement s’il y trouve son compte, mais en revanche, on résistera en fonction des risques encourus avec le changement ».(2)Le changement social, Armand Colin, 1983.
Par ailleurs, une enquête menée par le Laboratoire Technique Territoire et Société à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées à la fin des années 90, a montré que les salariés de base vivaient dans une forte incertitude lorsque l’évolution rapide de l’organisation mettait, tour à tour leur service (leur atelier, leur groupe…) en position alternée de force et de faiblesse créant, ainsi, de l’incertitude.
Or, en situation d’incertitude, l’être humain reste prudent, sceptique et une telle situation qui perdure, apprend au salarié de douter de tout…
Si à cela, l’encadrement fait l’objet de rotations rapides, les exigences sont contradictoires (faire mieux, plus vite, moins cher…) et les ordres s’annulent les uns les autres, la situation amène à des résistances, finalement, bien rationnelles !
B. Les explications aux résistances
Nous aborderons dans ce chapitre quelques explications aux résistances de manière succincte uniquement car la partie 3 de ce dossier y revient en détails pour en présenter une manière pratique de les gérer.
1) Les résistances individuelles au changement
D’après Kotter et Schlesinger il y aurait quatre raisons majeures de résistance individuelles au changement :(3)Krotter JP.P Schlesinger L.A. et al., organization : text, cases and reading on the management of organizational design and change, Homewood, III, R.D. Irwin, 1979, in Réussir le changement, Marsan C., De Boeck, 2008.
- l’intérêt individuel prime sur l’intérêt de l’organisation,
- le manque de confiance dans les responsables du changement,
- la peur de ne pas développer les compétences demandées et les comportements attendus,
- la perte du connu, des acquis.
Collerette, Delisle et Perron, quant à eux, parlent principalement de peur et d’une préférence pour la stabilité : l’inconnu, perdre ce que l’on possède, remettre en cause ses compétences…
Ces explications, non exhaustives, des résistances individuelles au changement posent la question des valeurs, de la manipulation, du contrat moral, autant de thèmes que nous aborderons dans la partie 2 de ce dossier. Pour l’heure, passons aux résistance organisationnelles.
2) Les résistances organisationnelles au changement
De nombreux auteurs ont mis en évidence l’inertie structurelle des organisations et l’importance de l’institutionnalisation des buts pour assurer leur survie et leur pérennité(4)Hannan M.T., Freeman J., 1989, Boeker, 1989, Kimberly, 1979. Ce sont précisément, ces points qui induisent des résistances au changement.
Une origine parallèle de résistances réside dans la perte des privilèges et des acquis au sein de l’organisation.
Par ailleurs, un facteur très important siège dans les normes, les valeurs, la culture d’entreprise dont certains traits d’attachement ont une incidence sur l’aptitude à changer.
Enfin, pour mener à bien le changement, un responsable des actions doit être clairement identifié et reconnu, sinon, on court le risque de l’inertie, de l’apathie et de la routine.
3) Les résistances politiques au changement
Les syndicats, les lobbies, les personnes influentes sont des éléments importants dont il faut tenir compte car ils peuvent orienter les décisions des acteurs.(5)C. Bareil, La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, Cahier de recherche n°4, août 2004.
4) les résistances collectives au changement
D’après Carton(6)Éloge du changement : leviers pour l’accompagnement du changement individuel et professionnel, Village mondial, 1997 in C. Marsan, op.cit., les formes collectives de résistances au changement sont au nombre de quatre : l’inertie, l’argumentation, la révolte et le sabotage. En quelques mots, voyons ces résistances collectives :
L’inertie est une absence de réaction au changement même si les personnes laissent entendre qu’elles acceptent le changement.
Un changement non argumenté sur le fond et/ou sur la forme ne sera pas intégré.
La révolte est toujours précédée de menaces et se caractérise de plusieurs manières : grève, recours à la hiérarchie, demande de mutation, démission… elle survient lorsqu’un salarié est incapable d’ajuster sa réalité à celle du changement proposé.
Le sabotage, technique pernicieuse, visant à déstabiliser l’initiateur du changement. Elle consiste en une révolte sous une apparente soumission. Elle prend souvent la forme d’un excès de zèle ou/et la formation de réseaux de contestations sous-jacents.
C. Que constatons-nous, en fait ?
Pour résumer la résistance au changement organisationnel, nous ferons une constatation : la résistance n’est pas systématique, elle est souvent induite par la manière dont est introduit le changement.
Autrement dit, dès lors que l’on considère les émotions, les affects et les identités de toutes les parties prenantes, les résistances sont amoindries. Ce qui nous amène à faire la transition vers le corollaire du changement organisationnel, à savoir :
Pour en savoir +
Notes de l`article [ + ]
1. | ↑ | M. Crozier & E. Friedberg, l’acteur et le système, seuil, 1977 dont un chapitre est consacré au « changement comme phénomène systémique » in Prépa IFCS, Victor Sibler, Ed° Lamarre, 4è éd°, 2008, p.238. |
2. | ↑ | Le changement social, Armand Colin, 1983. |
3. | ↑ | Krotter JP.P Schlesinger L.A. et al., organization : text, cases and reading on the management of organizational design and change, Homewood, III, R.D. Irwin, 1979, in Réussir le changement, Marsan C., De Boeck, 2008. |
4. | ↑ | Hannan M.T., Freeman J., 1989, Boeker, 1989, Kimberly, 1979 |
5. | ↑ | C. Bareil, La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, Cahier de recherche n°4, août 2004. |
6. | ↑ | Éloge du changement : leviers pour l’accompagnement du changement individuel et professionnel, Village mondial, 1997 in C. Marsan, op.cit. |