Le changement :
Voici un exemple pour comprendre les malentendus
Des commerciaux qui ne vendent pas, des administratifs qui fustigent les techniques de vente en place, un patron décontenancé : de telles situations sont souvent attribuées à des individus défaillants ou fautifs. En réalité, les acteurs définissent personnellement les différentes situations vécues, ce qui produit malentendus et incompréhensions. Cette petite histoire est révélatrice de ces situations lorsqu’il faut mener un changement. |
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Editions L’Harmattan
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- Rétrospectivement, les interprétations étaient défectueuses. D’avion, le copilote, un vieux de la vielle avec beaucoup d’expérience, avait affirmé que ce serait un travail facile : l’équipe devait venir à bout de l’incendie en quatre heures. Mais il était cinq heures du soir et le mois d’août 1949 avait été un des plus chauds depuis longtemps. Peu de temps après l’atterrissage des pompiers, le vent, jusque-là calme, se lève et les obstacles au développement du feu (une route, une rivière) ne sont plus efficaces à cause de la force du vent. On voit bien comment l’interprétation par quelqu’un qui a l’habitude, mais qui le fait trop tôt ou est trop loin, peut-être erroné. Mais, dans la conscience des acteurs, ce cadrage de la réalité était fermement installé.
- le chef de peloton et le garde forestier, qui avait signalé l’incendie et attendait les pompiers sur place, déjeunent pendant quarante minutes alors que le reste du peloton se répand autour du ravin sans ordre précis. Les hommes en conclurent que le feu était peu dangereux.
- Alors que le feu dans le ravin semblait s’intensifier, un des seuls membres expérimentés du peloton prenait des photographies du site, renforçant l’impression du caractère maîtrisable de l’incendie.
Ainsi, par des moyens directs ou contournés, la définition de la situation, son cadrage ou son interprétation, fut inadéquate ou erronée. les ordres donnés par les responsables n’allaient pas arranger les choses, car, d’une certaine façon, ils contrevenaient, sans aucune explication ne soit fournie, aux valeurs et aux logiques de leurs hommes.
Faire agir et agir soi-même
Le cadrage défectueux des pompiers et de la situation avait conduit, dans un premier temps, le responsable du peloton de pompiers, Dodge, à vouloir entourer l’incendie et l’attaquer de façon dispersée et convergente sur le ravin, donc à placer ses hommes en éventail au dessus du ravin en feu et avancer vers celui-ci. Cependant, lorsqu’il vit que l’incendie se répandait au-dessus de son peloton, il prit peur et se dit qu’il fallait créer une voie de dégagement. Or, celle-ci se fait grâce à un contre feu : un feu circonscrit qui, une fois éteint, permet de dégager. Lorsqu’il se rendit compte de son erreur tactique, Dodge, le contremaître avança vers le ravin en mettant le feu à ce qui devait être la voie de dégagement. Il ordonna à ses hommes de venir le rejoindre et de se coucher sur le sol encore brûlant dans la voie de dégagement ainsi constituée. Mais cette voie de dégagement les rapprochait du ravin en feu, les pompiers, plutôt que d’obéir à un ordre qui leur paraissait être contradictoire, continuèrent jusqu’en haut de la colline, chargés de leur matériel lourd. Le feu les rattrapa…
L’aveuglement organisationnel ou comment lutter contre les malentendus
de Valérie Boussard
Chaire de Développement des systèmes d’organisation du CNAM
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Lire le texte intégral du chapitre VII du livre : Paradigmes et matrices… ou l’analyse du feuilletage des situations
Lire, aussi, la fiche de lecture du livre ici (.doc)
Paul-Henri Chombart de Lauwe, quant à lui, parle d’unité de vie sociale : « l’unité de vie sociale est une unité de vie quotidienne, une unité d’usage, une unité de relation […] Elle a une existence. » Chombart de Lauwe, Paul-Henri., Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971, p.128
, voire à l’organisation toute entière aussi ou seulement.A plusieurs reprises, au moment des entretiens que nous avons eu l’occasion d’effectuer dans les entreprises, les salariés ont exprimé cette appartenance. Dans certains cas, c’est l’étiquette du métier exercé qui autorise un sentiment d’appartenance.
A partir de là, nous pouvons voir cette appartenance micro-groupale (que d’autres appelleraient tribale(5)Michel Maffesoli a proposé la métaphore de la « tribu » pour prendre acte de la métamorphose du lien social (Maffesoli, M., Le temps…, op. cit. p.III) ou unité de vie sociale) comme un « idéal communautaire »(6)Maffesoli, M., Le temps…, ib. p.XII., une reconnaissance à satisfaire.
Cette « organisation communautaire idéale » permet, dès lors, une double communication : intra-groupes (de salarié à salarié) et inter-groupes (d’un service à un autre service ou d’une équipe à une autre équipe, par exemple).
L’usage de manières de faire prend la place des manières de faire même et marque ce que le salarié cherche à présenter. En effet, il se comporte, par exemple, de manière à gagner la sympathie des autres ! Son comportement moral tient compte du jugement de l’autre pour obtenir une appartenance, tout du moins, un allié dans le regard de l’autre.
Le salarié dans son entreprise, un inventeur de manières de faire
Comprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence
Le salarié dans son entreprise, un inventeur de manières de faire
Michel de Certeau veut parler de tactiques et de stratégies dans la première partie de « L’invention du quotidien »(7)Certeau, Michel (de), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. Essais, 1990. Dans ce sens, il entame une importante recherche née, précise-t-il, « d’une interrogation sur les opérations des usagers, supposés voués à la passivité et à la discipline. »
Notes de l`article [ + ]
Merci pour cet exemple qui correspond à un tendance bien réelle, celle des procédures qui prennent le pouvoir sur l’humain.
Le juste équilibre du management des hommes et des process internes sont une remise en cause de tous les jours qui s’oublie avec la pression du quotidien… un peu de remise en cause régulière est nécessaire.
Cette remise en cause peut être d’ailleurs un processus de l’entreprise qui permet à l’humain de s’affirmer!
Merci encore Jean-Marc pour cet exemple qui illustre non seulement le mal-être de certains salariés et managers, mais aussi l’évolution sociétale qui nous vivons.
Le management est réellement un art. L’art de faire cohabiter des personnalités différentes, qui n’ont pas le mêmes ambitions et les même besoins. C’est pour cela que c’est à la fois passionnant et angoissant. Il me semble qu’il faut quelque peu arrêter tous ces process, chartes…… et revenir au « BON SENS » et aux valeurs qui nous ont été inculquées par nos parents, comme : La politesse, le respect, ne pas faire aux autres ce qu »on aimerait pas que l’on nous fasse et SURTOUT, communiquer, expliquer, et jouer la transparence. Quand on considère nos collaborateurs comme des professionnels capables de réfléchir, de se remettre en question, non seulement on gagne du temps, mais l’on évite ce genres de conflits qui peuvent se transformer en crise si l’on pratique la politique de l’autruche.
Très instructifs, l’humain est au centre de toute démarche de changement, de succès. Par ailleurs, il semble également dans cette exemple que les aspects qualitatifs (organisation, procédure, périmètre de responsabilité, processus) ont pris le pas nettement sur l’aventure commune partagée et porteur de sens pour tous, à même de casser les cercles et rapprocher les humains (ce qui a été obtenu par un regroupement de deux cercles en un). Merci pour ce témoignage et surtout cette analyse d’une rare pertinence.
Merci Gilles pour votre commentaire. Je vous rejoins tout à fait lorsque vous dites que l’humain est au centre de toute démarche de changement.
Veuillez pardonner mon audace mais nous pourrions peut-être dire que la perception de l’humain EST le moteur de fond du changement organisationnel.
C’est effectivement ce que montre cet exemple car les pompiers par rapport aux ordres d’urgence, comme les trois cercles de notre client dans les démarches commerciales, raisonnaient selon un schème émotionnel différent, restreint au cercle d’appartenance.
Sur ce dernier point des schèmes émotionnels, vous trouverez en ligne un exercice gratuit permettant de transformer ses schémas émotionnels. Voici l’adresse : http://www.isrifrance.fr/outils-tests
Sur un registre connexe à notre sujet sur le changement, vous pouvez aussi prendre connaissance du dossier ISRI sur le leadership à cette adresse : http://www.isrifrance.fr/le-leadership.
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